Grand Prix DOCU 2023 : Interview avec Alex Pritz et Sigrid Dyekjaer, le réalisateur et la productrice de The Territory

The Territory

La 13ème édition des Deauville Green Awards approche à grands pas, et promet encore une fois d’être un moment de célébration de l’engagement environnemental à travers la projection de spots, documentaires et films institutionnels centrés autour de la transition écologique et des questions de société.

Avant de vous retrouver les 12 et 13 juin 2024 pour deux jours riches en échanges et en rencontres, nous revenons aujourd’hui sur l’un des documentaires qui a marqué la 12ème édition : The Territory. Une partie de notre équipe a eu la chance de discuter avec le réalisateur, Alex Pritz, et l’une des productrices du film, Sigrid Dyekjaer. L’occasion d’en apprendre plus sur le processus de création.

Pour commencer

alex smlAlex Pritz est un réalisateur et directeur de la photographie américain, cofondateur de la société de production Documist, qui a entre autres produit The Territory, son premier documentaire. Récompensé au festival de Sundance par le prix du public et le prix spécial du jury ainsi qu’aux Emmy Awards dans la catégorie « Mérite exceptionnel pour un documentaire », ce premier film est un vrai succès !

 

sigrid smlSigrid Dyekjaer, productrice d’origine danoise, est dans le métier depuis plus de 20 ans. Habituée à produire des documentaires, elle a entre autres produit The Cave, nommé aux Oscars en 2020 dans la catégorie meilleur long-métrage documentaire. Elle nous confie que ce sont grâce à des documentaires comme celui d’Alex Pritz qu’elle sait qu’elle restera dans le métier pendant encore longtemps.

 

Depuis sa première au festival de Sundance où il a remporté deux prix, The Territory a suscité l'enthousiasme du public et de la critique, attirant l'attention à l'échelle internationale. Son impact continue de se faire sentir, ce qui témoigne de l’importance du sujet traité.

De quoi ça parle ?

Tourné au Brésil, partiellement par le peuple natif Uru-eu-wau-wau et par l’équipe du film sur plusieurs années, The Territory est une plongée au cœur de la communauté des Uru-eu-wau-wau. Leur quotidien est rythmé par le combat qu’ils mènent depuis des années : protéger leur écosystème de forêt tropicale, transformé en île en raison de quatre décennies de déforestation.

A travers des témoignages et des images fortes, Alex Pritz capte notre attention dès le début.

Des premières images fortes

Les images d’ouverture nous indiquent directement de quoi il est question dans le documentaire. Viennent ensuite des images plus douces : la forêt, les traces de pas laissés dans l’eau par des enfants, les insectes… Le spectateur est directement impliqué dans l’histoire qui va lui être racontée.

Pourquoi travailler sur ce sujet ?

Depuis des années, on entend dans les médias que la situation au Brésil est alarmante. Mais j’avais le sentiment qu’il y avait plus à apprendre des personnes qui se trouvent en première ligne.” nous dit Alex Pritz. La menace étant de plus en plus grande pour la communauté Uru-eu-wau-wau, il a décidé de leur donner la parole dans son documentaire, où il se concentre sur le quotidien d’une poignée d’hommes et de femmes, qui se battent chaque jour pour empêcher leurs terres de se faire raser par les envahisseurs.

Les protagonistes de The Territory

Neidinha, activiste environnementale, est celle qui a inspiré le réalisateur pour parler de ce sujet. Pourquoi ? Pour mettre en avant sa parole et lui donner la reconnaissance internationale qu’elle n’a pas, alors qu’elle défend ses terres depuis plus de 40 ans.

Bitaté, jeune homme de 20 ans, s’active chaque jour pour défendre son peuple en mettant en place des opérations de surveillance à travers la forêt amazonienne, pour éviter que des arbres ne soient coupés. Son jeune âge ne l’empêche pas d’être à la tête d’un groupe au sein de sa communauté, qu’il dirige avec la confiance d’une personne qui ferait cela depuis de longues années.

L’accueil de la communauté locale

L’équipe du film a été très bien accueillie par certains, moins bien par d’autres.

Neidinha l’a accueillie les bras ouverts : Alex Pritz a tout de suite compris qu’elle était heureuse à l’idée de parler de son histoire et des actions qu’elle mène au quotidien. Les fermiers et les indigènes, eux, étaient sceptiques lorsqu’ils ont vu autant de gens arriver avec beaucoup de caméras.

L’équipe a réussi à les mettre en confiance, loin des caméras, en prenant le temps de leur expliquer le but de ce projet. A partir de ce moment-là, le réalisateur s’est dit qu’il était important de laisser la communauté locale se filmer elle-même afin de prendre pleinement part au projet.

Un documentaire réaliste, car entremêlé de moments fragiles

Pour Alex Pritz, le plus important était de comprendre les dynamiques de chaque groupe, les indigènes et les fermiers, pour que chacun puisse raconter son histoire à sa manière. Si les indigènes n’ont aucun pouvoir dans la manière de parler de leur histoire dans les médias, l’équipe du film en a une grande. Il y avait donc dès le départ une certaine pression quant au fait de se montrer à la hauteur pour raconter l’histoire des Uru-eu-wau-wau de la façon la plus fidèle possible. Pour cela, le documentaire ne s’arrête pas seulement aux moments positifs, mais montre aussi les moments compliqués auxquels beaucoup doivent faire face au quotidien.

Le pouvoir du film réside dans le fait que personne ne juge personne, chacun a pu raconter son histoire dans un espace sain sans se sentir oppressé par le regard des autres.

Lorsque nous demandons à la productrice ce qu’elle aime dans The Territory et pourquoi elle a décidé de le financer, elle ne tarit pas d’éloges. “Il s’agit d’un premier documentaire, et j’ai adoré. Quand j’ai rencontré Alex, je savais qu’il tenait un projet qui allait avoir un impact sur les gens. Et c’est ça que j’aime dans les films que je produis : ils ont un réel impact.

Ce qu’elle apprécie également, ce sont les moments fragiles qui apparaissent à de nombreuses reprises. La réalité du quotidien des Uru-eu-wau-wau est racontée de manière réaliste, sans être embellie en se contentant uniquement des bons moments.

L’éco-production derrière le documentaire

L’éco-production est quelque chose qui évolue au fil du film. Ils ne se sont pas forcément dit dès le départ qu’ils allaient éco-produire leur film étant donné qu’il faut mettre en place beaucoup de compromis, pour que tout aille à tout le monde.

Dans les documentaires, c’est compliqué d’être éco-friendly. Si l’on souhaite raconter du mieux possible des histoires qui se passent au bout du monde, on est obligés de prendre l’avion.” admet le réalisateur.

Les Uru-eu-wau-wau au coeur du projet

Intégrer pleinement la communauté locale au projet était une volonté qu’avait Alex Pritz, et c’est ce qui rend son documentaire aussi original, touchant et réaliste. Ils ont donc participé à la production et au tournage du projet, au même titre que l’équipe du film. Il n’y avait pas de frontières entre professionnels et amateurs.

Il ne faut pas suivre les règles au pied de la lettre. Parfois, il faut faire les choses différemment pour que ça réussisse !” nous confie Sigrid Dyekjaer lorsqu’elle évoque l’éco-production et le fait que la communauté ait pris part au projet.

Ecouter, apprendre, poser des question, sentir le moment présent : c’est les clés du succès pour faire un film.” nous dit Alex Pritz.

L’impact du film

Sigrid Dyekjaer poursuit en nous expliquant qu’elle aime produire des documentaires qui ont un impact sur le monde, qui induisent un changement. Et The Territory en est un très bon exemple. En plus d’avoir adoré l’idée d’explorer ce sujet en profondeur, elle a apprécié la présence centrale d’une femme.

Tous ont été très surpris par l’énorme impact qu’a eu The Territory. Même s’ils ont énormément travaillé pour et qu’ils espéraient rencontrer un certain succès, ils n’en attendaient pas tant. Après la première du film au festival de Sundance, le succès du documentaire n’a cessé de grandir au fil des mois, au point qu’encore aujourd’hui la productrice reçoit quotidiennement des messages de personnes la remerciant pour le documentaire.

Pour Alex Pritz et son équipe, The Territory représente bien plus qu'un simple film. C'est un appel à l'action, un témoignage poignant de la nécessité de protéger notre environnement et de soutenir les communautés en difficulté à travers le monde. Alors que le documentaire continue d'inspirer et d'éduquer, il laisse un héritage durable dans son sillage.

En quelques chiffres

 

2

 

Rendez-vous au Parlement Européen

Alex Pritz a réussi à projeter son film au Parlement Européen. La plupart ont été très touchés, et certains ont même demandé à l’équipe comment ils pouvaient aider sur ce sujet.

Beaucoup de politiciens danois, pays d’origine de la productrice Sigrid Dyekjaer, ont pu aussi voir le documentaire. Ils se sont montrés accessibles, et des discussions s’en sont suivies  sur ce qu’ils pensent de la situation et comment ils pourraient faire avancer les choses.

Lula da Silva a lui aussi vu le documentaire ! “Nous ne savons pas vraiment ce qu’il a pensé de The Territory, mais c’est déjà très bien qu’il ai pu le voir.” dit Alex Pritz.

Continuer de trouver sa voie

Après ce premier projet très fructueux, Alex Pritz nous dit qu’il a énormément appris sur lui-même, et a eu de la chance car a été très bien entouré par les producteurs, qui n’ont pas eu peur de se lancer dans un tel projet.

En plus d’Alex Pritz et Sigrid Dyekjaer, le documentaire a aussi été produit par la britannique Lizzie Gillett, les américains Darren Aronofsky et Will N. Miller, et le brésilien Gabriel Uchida.

Parmi eux, le nom de Will N. Miller est ressorti. “Ce serait un crime de ne pas mentionner Will ! Au bout d’un moment il combinait 5 jobs à la fois tellement il y avait de travail.” nous dit la productrice.

Par dessus-tout, Alex Pritz est fier de son travail car son objectif de départ était de rendre le film aussi beau que possible. Le moins que l’on puisse dire c’est que cinématographiquement parlant, The Territory coche toutes les cases.

Pour découvrir de nouvelles créations aussi fortes que celle d’Alex Pritz, on vous donne rendez-vous les 12 et 13 juin à Deauville !